Résultat consolidé
Les banques en Suisse ont connu une évolution globalement favorable en 2023. Leur résultat consolidé s’est inscrit en hausse de 2,9 % par rapport à 2022. Grâce à des produits exceptionnels liés à la reprise de Credit Suisse par UBS, le secteur bancaire a enregistré un bénéfice annuel de CHF 25,9 milliards.
Le résultat consolidé de toutes les banques en Suisse s’est établi en 2023 à CHF 72,3 milliards, en hausse de 2,9 % par rapport à 2022. Cette hausse résulte de la forte augmentation du résultat des banques cantonales (+17,6 %) et des banques boursières (+20,4 %). Si l’on examine la situation par domaines d’activité, on observe une progression du résultat des opérations de négoce (+21,3 %), mais aussi des autres résultats ordinaires (+13,9 %). Sans doute le résultat des opérations de négoce a-t-il été boosté par un contexte boursier favorable en 2023. Les chiffres annuels globalement réjouissants qu’affiche la branche dans son ensemble sont toutefois à appréhender en tenant compte des nombreux effets non récurrents – positifs comme négatifs – liés à l’intégration de Credit Suisse dans UBS. Même si les opérations d’intérêts ont été très fructueuses pour les banques à vocation nationale, elles ont dégagé un résultat en légère baisse (–0,7 %) pour l’ensemble des banques en Suisse, ce qui s’explique principalement par le niveau élevé des charges d’intérêts au sein des grandes banques. La contribution des grandes banques au résultat consolidé a fortement régressé (–6,2 points de pourcentage), tandis que celles des banques cantonales et des banques boursières ont enregistré les plus fortes progressions.


EVOLUTIONS EN 2024
Relâchement de la pression inflationniste et croissance modérée en Suisse au premier semestre 2024
iStock.com/sam74100
Evolutions en 2023
Résultat consolidé par domaines d’activité
Le résultat consolidé se compose du résultat des opérations d’intérêts, du résultat des opérations de commissions et prestations de services, du résultat des opérations de négoce ainsi que des autres résultats ordinaires. Il a augmenté de 2,9 % en 2023, sous l’effet notamment d’une hausse du résultat des opérations de négoce d’une part et des autres résultats ordinaires d’autre part.
Comme en 2022 et malgré un léger recul (–0,7 %), le résultat des opérations d’intérêts reste la composante majeure du résultat consolidé en 2023, à 33,3 %. Après le tournant en matière de taux d’intérêt opéré par la BNS en 2022, le taux directeur a été relevé à 1,75 % en 2023. Les effets des relèvements du taux directeur se manifestent nettement au niveau des charges d’intérêts et des produits d’intérêts. Les marges d’intérêts se sont creusées et l’encours de crédit a augmenté, de sorte que les opérations d’intérêts ont été globalement très fructueuses pour les banques en Suisse. Toutefois, des effets non récurrents liés à la reprise de Credit Suisse par UBS ont conduit à un léger recul du résultat des opérations d’intérêts. Si les produits d’intérêts se sont inscrits en hausse de CHF 40,2 milliards (+86,3 %), les charges d’intérêts ont augmenté quant à elles de CHF 40,4 milliards (+182,8 %). Le niveau élevé des charges d’intérêts est dû au renchérissement des coûts de refinancement pour les banques, lequel s’explique en particulier par la plus forte rémunération des dépôts de la clientèle. Quant à la hausse des produits d’intérêts, elle résulte de l’octroi de crédits et de prêts à la clientèle, mais aussi de la rémunération des comptes de virement détenus par les banques auprès de la BNS. Dans le sillage des relèvements du taux directeur, les produits d’intérêts issus des avoirs à vue déposés à la BNS sont en effet passés de CHF 0,8 milliard à CHF 7,4 milliards entre fin 2022 et fin 2023. Le résultat des opérations de commissions et prestations de services est resté sur sa trajectoire baissière de 2022 (–6,7 %). Après avoir atteint un pic en 2021, à CHF 25,5 milliards, il s’établit aujourd’hui à CHF 21,8 milliards. Dès lors, sa contribution au résultat consolidé est passée de 35,9 % à 30,1 %. Cette baisse s’explique comme l’année dernière par le recul des produits des commissions issues des opérations sur titres et opérations de placement. De surcroît, les commissions issues des activités de dépôt ont diminué également. Le résultat des opérations de négoce a enregistré la plus forte hausse relative en 2023. Il s’est établi à CHF 10,9 milliards, retrouvant ainsi son niveau de 2020. Cela correspond à une progression de 21,3 % par rapport à 2022, due principalement à la volatilité accrue des marchés en 2023.
Graphique 7
Résultat consolidé par groupes de banques
Graphique 8
Graphique 9
A l’exception des grandes banques, tous les groupes de banques ont dégagé en 2023 un résultat consolidé accru par rapport à 2022. Cela se reflète dans la répartition du résultat consolidé total par groupes de banques: la part des grandes banques s’est réduite de 6,2 %, tandis que celles des banques cantonales et des banques boursières, en particulier, ont augmenté.
Par rapport à 2022, les banques cantonales et les banques boursières ont fortement accru leurs contributions respectives au résultat consolidé en 2023. Celle des banques cantonales s’est ainsi inscrite en hausse de 2,0 points de pourcentage à 15,7 %, ce qui correspond à une augmentation du résultat consolidé de CHF 1 703,6 millions. Cette progression remarquable résulte principalement de la hausse substantielle du résultat des opérations d’intérêts (+CHF 1 582,4 millions, soit +26,8 %) par rapport à l’année dernière. Quant aux banques boursières, leur contribution au résultat consolidé s’est accrue de 2,1 points de pourcentage. Mais à la différence des banques cantonales, elles doivent cette hausse aux autres résultats ordinaires. Si ces derniers s’établissaient encore à CHF –142,1 millions en 2022, ils ont atteint CHF 1 145,3 millions en 2023. Le résultat des opérations de commissions et prestations de services, qui représente environ la moitié du résultat des banques boursières, a stagné, tandis que le résultat des opérations d’intérêts a augmenté de CHF 516 millions (+24,8 %). Au total, il en est résulté pour les banques boursières un résultat consolidé en hausse de CHF 1 759,8 millions (+20,4 %). Les banques régionales et caisses d’épargne, les banques Raiffeisen, les banques étrangères ainsi que les banquiers privés ont enregistré sans exception une croissance de leur résultat consolidé supérieure à 10 %. Il est frappant de constater que dans ces groupes de banques, celle-ci provient pour l’essentiel d’une augmentation du résultat des opérations d’intérêts. Les banques Raiffeisen par exemple, dont les opérations d’intérêts génèrent environ trois quarts du résultat consolidé, ont vu ce dernier augmenter de CHF 547,3 millions, grâce principalement à une hausse de CHF 529,9 millions (+20,6 %) du résultat des opérations d’intérêts. De même, les banques régionales et les banques cantonales ont enregistré une progression de plus de 20 % du résultat des opérations d’intérêts. Cette dynamique s’explique, d’une part, par le creusement de la marge d’intérêts nette suite à la hausse des taux et, d’autre part, par l’augmentation des produits d’intérêts résultant de la politique de rémunération des avoirs à vue déposés auprès de la BNS. L’importance des opérations d’intérêts pour les banques à vocation nationale se traduit par une contribution au résultat consolidé qui est forte, et même nettement plus forte qu’au sein des grandes banques. En dépit de leur évolution favorable dans la plupart des groupes de banques, les opérations d’intérêts ont généré globalement un résultat en léger recul (–0,7 %) en 2023. Dans les grandes banques en effet, le résultat des opérations d’intérêts a accusé une forte baisse – sans doute principalement en raison d’effets non récurrents liés à la reprise de Credit Suisse par UBS (non représentés sur le graphique). Il est passé de CHF 8 089,5 millions en 2022 à CHF 3 841,2 millions en 2023, soit un recul de 52,5 %. Cela a fait chuter la contribution des grandes banques au résultat des opérations d’intérêts de toutes les banques en Suisse, puisque celle-ci n’était plus que de 15,8 % en 2023 contre 33,0 % en 2022. Malgré une forte croissance du résultat des opérations de négoce (+39,7 %) et des autres résultats ordinaires (+4,9 %), les grandes banques ont enregistré une baisse de CHF 3 448,9 millions (–10,0 %) de leur résultat consolidé – baisse encore accentuée par une évolution défavorable du résultat des opérations de commissions et prestations de services. Dès lors, leur contribution au résultat consolidé total est passée de 49,2 % à 43,0 %. En comparaison pluriannuelle, la contribution des banques boursières au résultat consolidé n’a cessé d’augmenter entre 2013 et 2021. Elle a diminué pour la première fois en 2022, puis progressé à nouveau fortement en 2023 pour atteindre 14,4 %. La contribution des banques cantonales a bondi elle aussi en 2023, à 15,7 %, après être restée constante sur les dix dernières années. En revanche, les contributions des banquiers privés et des banques étrangères ont régressé sur la même période, passant de 3,7 % à 0,6 % pour les premiers et de 16,7 % à 12,5 % pour les secondes. En ce qui concerne les banques étrangères, cette régression s’explique d’une part par le changement des conditions-cadres consécutif à la crise financière. D’autre part, dans le cadre de restructurations, quelques banques ont réduit leurs activités internationales à certains domaines spécifiques, ce qui s’est traduit par la cession des autres domaines ou par des transferts intragroupe d’activités. Depuis 2021, on observe toutefois que la contribution des banques étrangères au résultat consolidé augmente à nouveau. Quant à la contribution des grandes banques, elle baisse sans discontinuer depuis 2020. Elle n’était plus que de 43,0 % en 2023, alors qu’elle dépassait 50 % auparavant. Cela illustre la mutation structurelle du paysage bancaire suisse, que la reprise de Credit Suisse vient encore souligner.

Bénéfice annuel et impôts
Le bénéfice brut s’est inscrit en hausse de 1,5 % par rapport à 2022, à CHF 27,2 milliards. Après correctifs de valeur et impôts et compte tenu du produit exceptionnel de CHF 18,3 milliards lié à la reprise de Credit Suisse par UBS, le bénéfice annuel des banques en Suisse s’est établi à CHF 25,9 milliards.
La légère hausse du résultat consolidé (+2,9 %) a permis de dégager un bénéfice brut de CHF 27,2 milliards en 2023, soit CHF 0,4 milliard de plus (+1,5 %) qu’en 2022. Les charges d’exploitation, qui se composent des charges de personnel et des autres charges d’exploitation, se sont accrues de 3,8 %. L’augmentation des charges de personnel reflète la hausse des effectifs des banques. Déduction faite des amortissements, des correctifs de valeur et des provisions, le résultat opérationnel s’est établi à CHF 11,7 milliards (+39,5 %), malgré une relative stabilité du bénéfice brut par rapport à l’année précédente. Ce résultat réjouissant s’explique principalement par la baisse notable (environ –36 %) des amortissements par rapport à 2022, où ces derniers étaient très élevés au sein de Credit Suisse. Le produit exceptionnel de CHF 18,7 milliards est particulièrement frappant. Sur ce montant, CHF 18,3 milliards sont imputables aux grandes banques et donc largement à la reprise de Credit Suisse par UBS – avec un goodwill négatif non récurrent de USD 29 milliards. Déduction faite des charges exceptionnelles, les banques suisses ont enregistré des produits exceptionnels nets à hauteur de CHF 17,6 milliards. Elles ont versé CHF 3,2 milliards d’impôts aux caisses de l’Etat, soit CHF 1,1 milliard (52,2%) de plus qu’en 2022. Il en résulte un bénéfice annuel (résultat sur la période) de CHF 25,9 milliards, mais qui n’est pas comparable avec celui des années précédentes. Le chiffre comparable est le bénéfice annuel corrigé du produit exceptionnel net des grandes banques, qui s’établit à environ CHF 7,6 milliards – en hausse de 16,7 % par rapport au bénéfice annuel de 2022 (CHF 6,5 milliards).
Graphique 10
Détermination du résultat sur la période des banques en Suisse, 2023
En milliards de CHF

Graphique: Association suisse des banquiers . Source: Banque nationale suisse . Créé avec Datawrapper
Relâchement de la pression inflationniste et croissance modérée en Suisse au premier semestre 2024
L’environnement économique affiche une légère embellie pour les banques suisses. La prévision du consensus du secteur bancaire suisse concernant le PIB s’établit à +1,2 % en 2024. Le repli de l’inflation soulage sensiblement l’économie suisse. En réaction, la BNS a ramené son taux directeur à 1,25 % au premier semestre 2024, en deux étapes. Les incertitudes géopolitiques perdurent.
L’évolution économique internationale au premier semestre 2024 est comparable à celle de 2023. Les prévisions d’inflation toujours incertaines ainsi que les risques politiques élevés ont incité les banques centrales des pays industrialisés à se montrer plus prudentes qu’elles ne l’étaient à la fin du premier trimestre 2024 en ce qui concerne l’assouplissement de leur politique monétaire. La croissance économique dans les pays industrialisés reste modérée, ce qui se traduit par une prévision de croissance de 1,7 % pour 2024. S’agissant de la Suisse, le Swiss Banking Outlook 2024 table pour 2024 sur une croissance modérée du PIB, à 1,2 %. Au vu du relâchement de la pression inflationniste, la BNS a abaissé son taux directeur: en juillet 2024, celui-ci s’établissait à 1,25 %. Le nombre des faillites d’entreprises a atteint un pic à la fin du premier semestre 2024, où il s’inscrivait en hausse de 9,4 % par rapport au début de l’année. A l’heure actuelle, on compte neuf faillites d’entreprises par jour, mais le nombre des créations d’entreprises reste à un niveau élevé. L’augmentation des prix de l’immobilier a continué de ralentir au premier semestre 2024, en raison de la hausse des taux d’intérêt. Si les prix des objets résidentiels occupés par leur propriétaire ont continué de croître, bien qu’à un rythme moins soutenu, ceux de la construction d’objets de rendement ont stagné. Les récentes baisses des taux d’intérêt ne se sont pas encore répercutées sur les prix de l’immobilier. Le Swiss Banking Outlook 2024 confirme cette évolution, puisqu’il anticipe une croissance des crédits hypothécaires inférieure à la moyenne sur l’ensemble de l’année 2024.
Tant l’euro que le dollar américain se sont légèrement appréciés par rapport au franc suisse au premier semestre 2024. Fin juillet 2024, les taux de change s’établissaient à CHF 0,95 pour un euro et CHF 0,88 pour un dollar américain. Après les gains de cours observés à la Bourse suisse en 2023, le SMI est resté en nette progression au premier semestre 2024. Fin juillet, il se situait à 12 317 points, en hausse de 10,6 % par rapport à la fin de l’année 2023. Le Swiss Banking Outlook 2024 est optimiste quant à l’évolution à venir du SMI et anticipe une hausse de 12 % sur l’ensemble de l’année 2024. Les Bourses étrangères ont affiché une évolution encore plus favorable sur les premiers mois de l’année 2024. L’indice américain S&P 500, qui est largement diversifié, a ainsi progressé d’environ 16 % depuis le début de l’année. Deux raisons principales expliquent cette évolution: d’une part, des résultats trimestriels meilleurs que prévu du côté des entreprises américaines et, d’autre part, des baisses espérées sur le front des taux d’intérêt. La solidité persistante du franc suisse a toutefois neutralisé en partie les gains de cours des titres étrangers. Le Swiss Banking Outlook 2024 anticipe pour l’année en cours une stagnation du résultat consolidé des banques en Suisse par rapport à 2023. Les personnes interrogées prévoient des marges d’intérêts légèrement resserrées suite à l’abaissement du taux directeur, avec en parallèle une activité accrue en matière d’opérations de placement et d’opérations sur titres. Selon elles, le résultat des opérations de commissions et prestations de services devrait donc s’inscrire en hausse grâce à l’augmentation du volume de négoce, de même que le résultat des opérations de négoce. En revanche, la croissance des opérations de crédit hypothécaire devrait rester modeste d’ici la fin de l’année.